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mardi 24 mars 2009

E.TODD ou la tentation de la prophétie.

Emmanuel Todd, avant tout démographe, mais aussi historien, sociologue reprend ici le goût déjà ancien de la prédiction. Dans « la chute finale » de 1976 il s'était déjà essayé à nous convaincre de l'écroulement de l'URSS avec quelque succès. Quelque temps plus tard, lors d'une conférence donnée à Nantes en 2005, il nous assurait de l'échec probable de l'euro et du retour des monnaies nationales dans le cadre européen. Pourquoi s'arrêter là? « après l'empire » promettait la décomposition imminente de l'empire américain. Aujourd'hui Todd est encore dans l'après... « Après la démocratie » son dernier opus décrit l'aporie politique qui nous attend. Les prophètes ne sont jamais très loin du pouvoir. Les prêtres, les pythies ont toujours désiré vouloir souffler dans les oreilles des princes les destins funestes que secrètement les dieux nous réservent. On pourrait ici évoquer le syndrome Alain Minc...


La tentation du notable

Les occultes"think tanks" ne sont pas très loin. À l'aube de son crépuscule, Todd est déjà dans celui qui a été. Il ne cesse de rappeler ses titres universitaires, ses relations de pouvoir, sa fréquentation des grands, il multiplie les hommages à ses maîtres aussi bien universitaires que politiques. Conseiller de Chirac mais aussi du PS, bref de ceux qui voulaient bien tendre une oreille distraite. Mais voilà ! Il n'a pas été écouté. Amertume de celui qui aurait tant aimé être une éminence grise. Quel dommage ! Cela gâche le propos. Pourquoi ne pas rester hic et nunc seulement un homme libre qui a le courage de la vérité comme dirait Michel Foucault...



Et après...

D'emblée « après la démocratie » semble répondre à Alain BADIOU. Critiquer Sarkozy ne sert à rien. Sarkozy n'est qu'un symptôme : il révèle le mal, mais est aussi et surtout un miroir du peuple tout entier. Il n'y a donc pas de contradiction, d'erreur de casting. Il y a cohérence absolue entre le prince et ceux qui l' ont élu. Cela nous mène tout droit à la fin de la démocratie par synergie entre le peuple et ses gouvernants. Pas d'issue. Le coup de force est séduisant. Il suffit alors de reprendre point par point les traits dominants du prince pour rendre compte de l'histoire des mentalités.



L'incohérence de la pensée.

Sarkozy se caractérise d'abord par l'incohérence de la pensée, autrement dit le vide idéologique et religieux. Cela peut paraître paradoxal mais Todd et beaucoup de sociologues nous démontrent(chiffres à l'appui) la baisse continue de la pratique religieuse, de l'impact de l'église sur les structures mentales et culturelles. Les dernières déclarations du pape montrent à quel point l'église est dans le désarroi et capable de s'autodétruire... Le philosophe Ciszeck, proche de BADIOU, dans un ouvrage récent, montrait l'intérêt, pour la survie de la démocratie de la conservation de l'héritage chrétien pour l'Occident. Pourtant, qu'on ne s'y trompe pas, nous ne sommes pas dans le contexte de la fameuse « guerre des civilisations » cependant cela a pour effet de conduire à l'islamophobie.



La médiocrité intellectuelle.

Bien entendu ceci appelle cela. La médiocrité intellectuelle est un miroir de la stagnation éducative. Ici on touche davantage à la démographie. La démocratisation de l'école a entraîné sa massification. Les deux termes sont loin d'être synonymes. Le vide éducatif a entraîné un pessimisme culturel et une radicalisation dans les extrêmes politiques. Or soyons clairs : la démocratie est essentiellement liée à l'alphabétisation. L'histoire montre que les révolutions politiques d'émancipation sont toujours liées à des phases de progression de l'éducation populaire. Aujourd'hui, Narcisse, l'homme nouveau constate avant d'expliquer...

Le plus menaçant pour l'avenir de la démocratie reste dans la béance de la fracture ainsi légitimée,produite: la dissociation entre éducation et richesse. pourquoi les élèves travailleraient-ils, s'interesseraient-ils à l'école? l'exemple vient de haut: Le président fut un élève médiocre, un étudiant intermittent, il ne lit pas...Il a tout:belles femmes, argent, pouvoir, riches amis, luxe. Toujours le miroir, le reflet...

Ou sont les élites lettrées, les présidents auteurs d'anthologies, de poésies, agrégés, posant devant des bibliothèques, qui au moins portaient en eux une sorte de conscience catholique progressiste, des projets d'état "social"...On les regretterait presque: on leur doit 68!

Cette fracture crée de plus une nouvelle classe d'exclus, celle des hauts diplômés,qui poussent à la radicalisation politique, qui ne retrouvent pas leur dû dans la démocratie...


L'agressivité.

L'agressivité méprisante, cynique, semble aller de soi comme marqueur social du pouvoir contemporain. Elle fait d'évidence partie de la panoplie tape-à-l'oeil de la réussite marchande. Une attitude communément répandue chez le petit vendeur de voiture qui se lève tôt. Nous l'avons tous rencontré, au volant de sa voiture de concession, en chemise blanche, la montre bien apparente et klaxonnant de son importance le petit peuple de feigninants,pigeons en puissance.

En politique elle n'a pas lieu d'être. Au contraire, la figure du politique classique est celle du sage, calme, pondéré, une figure du père et non une image d'ado prêt à tout casser. Mais voilà sarko confond tout : l'État et l'entreprise, le vendeur et le haut fonctionnaire... Cependant qu'on ne s'y trompe pas : cette attitude l'a porté au pouvoir. De plus sa vertu est d'exclure, de fabriquer autant de boucs émissaires que l'on voudra : exclusion « du non citoyen » l'inutile, les jeunes, les vieux, les intellos, les artistes, les Arabes et autres métèques... au gré des situations. La liste serait longue.

Selon notre guide suprême seule la France qui travaille et se lève tôt pourrait prétendre au rang de citoyen. Pourquoi ne pas exclure ces improductifs du droit de vote, du suffrage universel?de la démocratie? nous voilà replongé dans le temps où seuls les citoyens dits actifs(rentiers) était propriétaires du droit de voter, excluant ainsi les citoyens passifs(ce qui ne produisent aucune richesse). Bref le suffrage censitaire... C'est l'état de guerre de tous contre tous, bien incorporé par nos concitoyens, convertis à l'individualisme ultra libéral par nécessité de survie. Celui qui a dit que les grèves étaient invisibles dans ce pays, l'a rêvé...Il l'a fait. Malgré manifestations, mobilisations, le peuple ne sera plus jamais écouté, ni consulté.


L'amour de l'argent.

Nous voilà au coeur du réacteur. Le président a beaucoup de mal à légiférer afin de limiter les parachutes dorés... C'est une impossibilité quasi psychique, un point aveugle inconscient. Une limite absolue Il ne peut pas. Ce serait se mutiler... Se castrer. Il aime l'argent. Nous sommes au siècle de l'avidité, Sarkozy en est l'icône. C'est en fait la réintroduction de l'économie comme mentalité et comme seule finalité. Participer au grand oeuvre : porter le libre-échange jusqu'au ciel, accompagner le grand frère américain dans sa mission impérialiste mystique malgré l'incapacité des élites à affronter les problèmes qu'il pose. Un vrai gamin perdu dans une histoire trop grande pour lui, d'ailleurs il n'a aucune connaissance historique. À l'image de nos contemporains, il ignore tout des enjeux de la guerre froide,de ce qu'a pu représenter la chute du mur de Berlin comme ouverture pour un libéralisme sans limites...Comme trou de souris par lequel s'est engouffrée la mondialisation, la financiarisation...La route s'arrête là pour une grande partie du monde le moins riche. Là aussi exclusion agressive...

Revenons à l'argent: baisse des revenus du plus grand nombre et enrichissement continu des 1 % les plus riches. Les risques sont clairs pour la démocratie. Contraction de l'état social, ploutocratie, népotisme, oligarchies...Personne ne sait plus ce qu'est le le partage (antique héritage d'un capitalisme social disparu) de la richesse nationale par ceux qu'il l'ont produite directement où indirectement.
En effet, l'argent semble à tous le résultat et la mesure de la valeur de chacun. Bonne chance !


L'instabilité affective et familiale.

C'est là toute l'originalité de l'approche de Todd. C'est un démographe, un sociologue (en France, rappelons que la démographie fut expurgée des manuels scolaires jusqu'à la terminale). Il reprend ici une approche qui a traversé toute son oeuvre : l'analyse et l'évolution des structures familiales produites et productrices de l'économique, du sociétal. De ces dérives anthropologiques dépendent la survie de la démocratie. Dans ce socle anthropologique il distingue des modèles dont l'un est « égalitaire » et l'autre plutôt « autoritaire ». Leur évolution tant historique que géographique rend compte des mutations des mentalités politiques. du modèle égalitaire peut naître le concept de "lutte des classes" alors que le modèle autoritaire engendre « l'autre » comme principale menace. On voit donc ici l'enjeu : d'un côté idéal démocratique et collectif, de l'autre,éthnicisation rapports sociaux et individualisme. Là aussi bel effet de miroir ! Notre chef est avide de femmes. Comme tout chef de horde primitive, il pratique volontiers le rapt. Il décompose, répudie, recompose... Posséder des femmes s'est encore le pouvoir, modèle anthropologique autoritaire celui-là. L'accumulation de femmes, le harem, c'est aussi celle de l'argent, de la puissance au sens premier, virile... Peut-on lui en vouloir de dire naïvement' il est lui-même à l'image de n'importe quelle famille française moderne, recomposée et décomposée au gré de l'empire des sens....


Pour finir...

On est à la foire. C'est le palais des glaces et ses labyrinthes de miroirs.. Nous tournons en rond, trompés éternellement par ces multiples reflets. Narcisse se noie, alors,dans une ultime pulsion, il crée lui- même une image qu'il pense unique. Mais le danger de se perdre est bien là. Nous errons dans ces lumières diffractées, angoissés, tout en faisant les matamores, de ne pas trouver la sortie... "C'est comment qu'on freine?" chantait Bashung.

Une société de groupes(?), de classes(?) qui vivent parallèlement les uns aux autres, des strates étanches, aveugles, qui ignorent tout de ce que peut être un sens commun. Des élites cultivées pauvres, exclues du pouvoir comme de la richesse. Probablement la nouvelle classe montante d'opposition. De nouveaux analphabètes se réfugiant dans des solutions de plus en plus radicales de droite ou de gauche, qui, on le sait, n'ont jamais trouvé l'ombre du début d'une solution, enfermés dans la protestation. Des élites dont la seule richesse et d'être riche en soi et pour soi uniquement. Comment ne pas être tenté par la prophétie : la démocratie risque de disparaître au profit d'une oligarchie au service et 1 % les plus riches. La masse des plus faibles revenus, sans cesse paupérisée, considérée comme un coût, vit sa condition comme un martyr qui la grandit à ses propres yeux:c'est son"cheval d'orgueil", une fatalité qui signe son humanité. Une vision religieuse, stérilisante, de la classe porteuse de toutes les révolutions. Nous sommes revenus dans "un avant" de la conscience politique. L'histoire est courbe, n'est-ce pas?.





jeudi 19 mars 2009

Il fait beau.

il fait beau... Le beau temps."Quelle belle journée cela aura été" comme se le répèteWinnie dans "ho! les beaux jours" de Beckett. Le temps...c'est aussi celui qui passe. beaucoup de langues distinguent le temps qu'il fait et le temps qui passe. Pas nous. Ce halo sémantique est délicieux et précieux, il nous balade dans les lumières et les espaces. De là vient sans doute la hâte de vivre le beau, de se dépécher d'en jouir, c'est aussi Ronsard. Le beau temps pianote sur la nostalgie, sur sa fragilité qui est la nôtre.C'est toujours un matin du monde, chaque fois un peu plus douloureux quand l'âge passe...Mainenant que la jeunesse...



Maintenant que la jeunesse
S'éteint au carreau bleui
Maintenant que la jeunesse
Machinale m'a trahi
Maintenant que la jeunesse
Tu t'en souviens souviens-t-en
Maintenant que la jeunesse
Chante à d'autres le printemps
Maintenant que la jeunesse
Détourne ses yeux lilas
Maintenant que la jeunesse
N'est plus ici n'est plus là
Maintenant que la jeunesse
Sur d'autres chemins légers
Maintenant que la jeunesse
Suit un nuage étranger
Maintenant que la jeunesse
A fui voleur généreux
Me laissant mon droit d'aînesse
Et l'argent de mes cheveux
Il fait beau à n'y pas croire
Il fait beau comme jamais
Quel temps quel temps sans mémoire
On ne sait plus comment voir
Ni se lever ni s'asseoir
Il fait beau comme jamais
C'est un temps contre nature
Comme le ciel des peintures
Comme l'oubli des tortures
Il fait beau comme jamais
Frais comme l'eau sous la rame
Un temps fort comme une femme
Un temps à damner son âme
Il fait beau comme jamais un temps à rire et courir
Un temps à ne pas mourir
Un temps à craindre le pire
Il fait beau comme jamais
Tant pis pour l'homme au sang sombre
Le soleil prouvé par l'ombre
Enjambera les décombres


Louis Aragon ;"le cri du butor"1947

mardi 10 mars 2009

Les malheurs de Narcisse.



Le Moi assiégé
Essai sur l'érosion
de la personnalité
de Christopher Lasch
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christophe Rosson. Ed. Climats, 270 p., 22 €.

Lasch n’est évidemment pas le seul, dans les années 1970, à noter la diffusion d’une forme nouvelle d’« individualisme », qui s’affirme contre les discours antérieurs de l’engagement et des luttes concrètes.
Le fait de parler à ce propos de« narcissisme» n’est pas non plus en lui-même original. Mais se distingue de la plupart de ses contemporains par son refus d’attribuer cette évolution à une simple tendance au « repli sur la sphère privée » comme le prétend la désormais orthodoxie d’un Tocqueville, et par une conscience aiguë de l’irréductibilité du « narcissisme » à l’individualisme et, a fortiori, à l’égoïsme.» : Lasch insiste sur le fait que le narcissisme est un « système », distinct de l’ « égoïsme ordinaire» et« tout à fait indépendant du désir instinctif de satisfaction corporelle» : La leçon de l’histoire n’est pas que Narcisse tombe amoureux lui-même mais que, incapable de reconnaitre son propre reflet, il ne possède pas le concept de la différence entre lui-même et son environnement. »



Désintégration du moi


Loin de toute dénonciation moralisante du« repli sur soi », Lasch est avant tout sensible à la détresse de l’individu contemporain et à la «désintégration du moi» qui se cache sous les discours rassurants vantant l’émancipation du désir ou l’épanouissement de la personnalité
Cette forme de narcissisme est particulièrement adaptée à la société contemporaine, qui favorise la séduction plus que l’autorité et qui vit largement de la remise en cause des rôles traditionnels…
Notre époque n’est pas celle de l’épanouissement des corps, mais plutôt du « déclin de l’esprit sportif» ; l’abandon de toute compétition avec les autres, de toute implication dans son environnement sociétal au profit de l’unique affirmation de soi comme droit à la différence (qu’on considère les victoires apparentes du féminisme d’où tout discours de plaisir est absent). Ce que cache mal la massification de l’éducation et de la culture supposée commune unificatrice et fondatrice de nos valeurs collectives. Il s’ensuit un jeu de haine/amour de la culture. Celle-ci étant à la foi constitutive de Narcisse et son principal ennemi accompagnant le déclin, par refus, des formes d’autorité traditionnelles comme obstacle au moi libéré, créatif, icône du moderne.


L’avidité de culture, la prolifération cancéreuse de celle-ci sous toutes ses formes, est le dernier lien qui retient Narcisse dans un principe de réalité vivable. Elle est à la fois commune et individuelle ; permet surtout, sans appel, de dire et redire sans cesse son unicité personnelle incontestable et solitaire, car des gouts on ne discute pas. Pas de tension, pas de division, pas d’exposition de soi, pas de risques...Tous peuvent y faire illusion.


La victoire apparente du moi «libéré» se paie par un surcroît d’anxiété. « Les gens vivent au jour le jour. Ils évitent de penser au passé, de crainte de succomber à une « nostalgie » déprimante; et lorsqu’ils pensent à l’avenir, c’est pour trouver comment se prémunir des désastres que tous ou presque s’attendent désormais à affronter. »
On est loin de toute dénonciation moralisante du« repli sur soi », Lasch est avant tout sensible à la détresse de l’individu, mais il considère que, dans le contexte du narcissisme contemporain, les mouvements critiques de la société industrielle qui prennent en charge les causes de ses malheurs concourent en fait à augmenter l’obsession de la« survie» qui est comme le double lugubre de l’euphorie narcissique.


Lasch donne ainsi une analyse assez saisissante du retentissement paradoxal qu’a eu l’expérience des camps de la mort, dont le souvenir alimente la« mentalité de survie » : Là où les véritables survivants « voient leur expérience non pas pour survivre mais comme une lutte pour rester humains». Plus généralement, il esquisse une passionnante « politique de la psyché », qui montre le double épuisement des thèmes conservateurs et des différentes idéologies de la gauche, de l’utilitarisme au néo freudisme.


Là où il faudrait sauver ce qu’il y a de meilleur dans l’individualisme moderne -« la définition de l’humanité est tension, division, conflit » -, la droite n’est même plus capable d’assumer une politique du « surmoi », que mine sa confiance naïve dans les vertus du marché et la gauche s’enferme dans les acquis d’une réputation largement illusoire.

dimanche 8 mars 2009

CROMWELL BAR: Hommage à Alain Bashung #1

CROMWELL BAR: Hommage à Alain Bashung #1

Alain Bashung #2:"Bleu pétrole".

Sombres ampleurs surrannées de musiques rauques et baroques, un adieu murmurré d'une plainte amicale à ceux qui restent. Un des plus beaux rock contemporain....Une tistesse enfin humaine et élevée jusqu'à l'éthique. Le choc d'un Beaudelaire qui aurait rencontré Breton et Kérouac...Un Beaudelaire qui aurait trouvé une guitare électrique déglinguée, sur le bord de nulle part, jetée là, sur le macadam par Raimbaud , sortant d'un motel.

"Voyez vous tous ces humains?
Danser ensemble à se donner la main
S'embrasser dans le noir à cheveux blonds
A ne pas voir demain comme ils seront
Car si la terre est ronde
Et qu'ils s'aggrippent
Au -delà c'est le vide
Assis devant le restant d'une portion de frites
Noir sidéral et quelques plats d'amibes"
"Comme un légo"(extrait)
Et peut être ceci,
Est-ce que vous en avez?
Des doutes, des idées
Des rêves de douceur éveillée
Le gout du danger
Des routes à prendre ou à laisser
Est-ce que vous en avez?
Du réseau, des rougeurs, des nerfs d'acier?
Déchiffrer les affaires, les valises
Dénoyauter les médias, les cerises
Couper court à l'appel de la brise
Et livrer le secret des banquises
"le secret des banquises" (extrait)
Il ne pouvait pas ne pas interpreter, comme le geste amical du voyageur qui reprend sa route et se retourne vers nous,le sac à l'épaule, "Suzanne" de Léonard Cohen...
Tu veux rester à ses côtés
Maintenant, tu n'as plus peur
De voyager les yeux fermés
Une blessure étrange dans le coeur
"Suzanne"(extrait)
Bonne route, have a good trip man!

Hommage à Alain Bashung #1


J'aime les toiles de nulle part
Les toiles sans auteur
Et celles d'une seule couleur.

mercredi 4 mars 2009

VEAU D'OR



Tu vois, mon cher chien, il s'agit d'une pierre . Elle est noire et dure , c'est du quartz. Toi-même t'y casserais les dents. Cette pierre n'est pas pour toi. Elle a appartenu à Yves Saint-Laurent ainsi qu'à Pierre Bergé. Tout le monde en parle. Avec quelques autres objets de culte, on lui a trouvé un temple à sa mesure : le Grand palais à Paris. Elle a été mise aux enchères par un commissaire aristocrate lors de la liquidation d'un vieux galetas d'amis poètes. Tu sais aussi que je possède quelques pierres, dont des silex taillés de la Préhistoire... Mais tout cela ne vaut rien ! Cette pierre là, estimée selon le Figaro à 3000 € a vu son prix multiplié par 15! Soit environ quatre vingt ans de croquettes!
Mais qu'est-ce donc que cet chose étrange que la valeur? Enfoncé le vieux concept Marxiste de valeur d'échange et de valeur d'usage. Quel usage? Sans doute ira-t-elle boursoufler le narcissisme contemporain de quelque collectionneur . Peut-être y trouvera-t-il là un esprit, un envoûtement car cette pierre a été possédée. Bref, une sorte de plus-value. À chaque fois qu'il regardera l' éclat sombre de son âme emprisonnée il frissonnera d'une émotion bien plus grande, bien plus étrange que celle d'avoir de l'argent. Et sa valeur d'échange? aucune importance. Les riches sont tellement riches que plus la dépense est grande plus la frustration qui l'accompagne est exponentielle. Tout cela fonctionne à la marge. Alors qu'est ce que le prix : rien.
Qu'on songe à ce tableau de Picasso faisant partie du même gourbi qui n'a connu aucune enchère ! Là aussi c'était l'offre et la demande. Pas de demande, pas de prix. Tu vois, mon cher chien, je me suis pris immédiatement à rêver... J'aurais pu proposer un euro et posséder un Picasso. Encore la possession ! Toute une psychanalyse à refaire...ils ne s'arrêteront jamais. Posséder toujours. Lacan et "L'origine du monde" ne sont pas très loin.
Les cendres de Gandhi doivent encore virevolter sous le vent de folie des hommes. Les mêmes aristocrates du moderne, vendeurs mondains, arbitres des élégances et des valeurs artistiques se sont emparés de ses lunettes de la Sécu, de ses sandales (j'ai dû avoir les mêmes dans les années 70) et de, paraît-il, un bol.
D'où viennent ces grands maîtres de l'échange total, du Potlach version grand capital ? le marteau n'a pas toujours été d'Ivoire. Leurs origines sont sombres comme le XIXe siècle où les pauvres par un curieux retournement de l'histoire leur confiaient le peu qu'il possédaient. Des bijoux en toc, une médaille du travail, une table faite à la main, le fauteuil du vieux, afin de pouvoir payer l'épicier à la fin la semaine. C'est un peu la même histoire que celle d'Yves Saint-Laurent et de Pierre Bergé.
 
> rédacteur Agoravox