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jeudi 18 mars 2010

Extrême droite et classes populaires



Le retour du Front National est à n'en pas douter le fait marquant de ces dernières régionales. Qu'on se rassure : Marine Le Pen, et son père n’ y sont pour rien. On le doit essentiellement au fin stratège que se vante d'être notre monarque et à quelques autres…
Que s'est-il donc passé pour que tant de gens populaires, ouvriers, employés, dont les réactions immédiates exprimaient un dégoût viscéral à l'encontre de ceux perçus comme des ennemis de classe, se mettent à voter Front National et que, pour un nombre non négligeable d'entre eux, ils en viennent à voter pour un représentant caricatural de la bourgeoisie d'affaires, élu grâce à eux, dès le premier tour à la présidence de la république ?

La responsabilité que porte la gauche officielle est écrasante. Mais elle n'est pas la seule. Il faut également s'interroger sur ceux qui ont relégué leurs engagements des années 70 dans le passé des frasques de jeunesse et qui sont devenus aujourd'hui des gens de pouvoir, des notables modernes . Ils s'évertuèrent à imposer des idées de droite et de renvoyer aux oubliettes tout ce qui constituait leur dandysme utopique de jeunesse. De leurs nouveaux discours, ce n'est pas seulement le mouvement ouvrier qui disparut, ses traditions, ses luttes, mais bien la classe elle-même, sa culture, ses conditions de vie, ses aspirations au progrès. Quand on manifestait en 68, en tentant naïvement de lier le mouvement étudiant à celui des ouvriers, on s'entendait répondre : « Vous serez nos patrons dans 10 ans ! » On ne peut que leur donner raison quand on voit ce que sont devenus aujourd'hui ceux qui prônaient la guerre civile, se grisaient de la mythologie de l'insurrection prolétarienne ! Toujours aussi sûrs d'eux, aussi véhéments, mais pour dénoncer la moindre velléité de contestation populaire. Et pour cause ! Ils sont devenus ce qu'ils étaient promis à être par leur destin social : des notables installés politiquement, intellectuellement, dans le confort de l'ordre social et la promotion d'un monde qui convient parfaitement à ce qu'ils aspiraient à devenir. Ils cautionnaient une gauche sans prolétariat.

En 1980 la victoire de la gauche allait bien vite déboucher sur une profonde désillusion des classes populaires et surtout sur une désaffection méfiante et durable à l'égard de toute la classe politique : la gauche, la droite tous pareils et c'est toujours les petits qui payent… » La gauche allait entrer peu à peu dans une dérive profonde sous l'emprise d'intellectuels néoconservateurs, qui, sous couvert de renouveler la pensée de gauche travaillaient à en effacer tout ce qui en faisait l’essence populaire. On ne parle plus d'exploitation, de rapports de classes, mais de « Refondation sociale », de « modernisation nécessaire »… Le déterminisme social lui-même disparut dans la nouvelle morale néolibérale de « responsabilité individuelle ». Les classes furent effacées , diluées, dans le trop fameux « vivre ensemble ». Les affrontements de classes se muèrent en « pacte social », en « contrat social » ou les individus, isolés de leurs anciennes solidarités, définis comme tous « égaux en droits » étaient appelés à oublier leurs « intérêts particuliers » c'est-à-dire invités à se taire.

L'enjeu était à peine maquillé : Exaltation du sujet autonome pour en finir avec toutes les pensées héritées des déterminismes historiques. Démantèlement de tous les acquis sociaux au nom du nécessaire individualisme contemporain. On a là une Forme à peine déguisée de lutte de l’idéologie dominante contre l'hydre du collectif, du communisme sous quelque forme que ce soit. Tout au plus daigna-t-on donner un peu le change dans des versions néo morales de la philanthropie en remplaçant les opprimés, les exploités d'hier par « les exclus », « les victimes de la précarisation » , attitude hypocrite, perverse pour désespérer toute approche en termes d’oppression, de lutte de classes..

Le vote communiste était un vote revendiqué, proclamé, dans lequel la classe montre sa force et sa fierté d'être. Le vote d'extrême droite aura été une démarche, hésitante dans lequel on défend en silence ce qu'il reste de cette identité désormais ignorée, effacée de l’histoire quand elle n'est pas méprisée par une gauche de hiérarques tous issus de l'ENA c'est-à-dire du lieu où s'enseigne une idéologie dominante, largement transpolitique.

On ne peut être que persuadé que le vote pour le Front National doit s'interpréter comme le dernier recours des classes populaires pour défendre leur identité collective perdue, une dignité qu'ils sentent toujours menacée, piétinée par ceux qui les avaient autrefois défendus. La dignité est un fragile absolu, il lui faut des signes, des assurances, qu'on ne soit pas considéré comme une quantité négligeable, comme de simples coûts économiques, comme des objets muets de la décision politique. Dès lors si ceux à qui l'on accordait une certaine confiance ne la mérite plus, on la reporte sur d'autres pour peu qu'ils vous accordent s quelques mots qui réchauffent la fierté d’être…

A qui la faute , si la signification d'un « nous » se transforma en « les Français opposés aux étrangers » plutôt que « les ouvriers opposés aux bourgeois » ? Dans leur obstination à oublier la classe ouvrière, les gens d’en haut ont voulu tordre l’histoire et imposèrent une dimension nationale et raciale des conflits sociaux . Ce faisant, ils apparaissent comme favorisant l’immigration, et s’étonnent qu’ils désignent de fait ceux d’en bas comme souffrant de celle-ci, accusée d’être la cause de tous leurs maux…
Il faut que la classe ouvrière retrouve son histoire et qu’elle ne se trompe pas d’ennemi.

lundi 15 mars 2010

Quel beau dimanche ça aura été...

Tout a été si parfait. Le peuple tout d'abord par son abstention comme un dégoût venu du froid des masses silencieuses. Une véritable insurrection muette et citoyenne pour une nouvelle république. Un grand merci à M. Besson, Hortefeux et les autres pour le retour du Front National, piège mortel pour le monarque. À trop souffler sur de vieilles braises pour les éteindre, on finit par rallumer la flamme. Bonne nouvelle encore, que les écologistes soient remis à une place que la raison leur assigne. Etonnement souriant pour une gauche ébahie d'elle-même qui retrouve soudain l'unité et l'espoir sans vraiment savoir pourquoi. Même le front de gauche gagne ses galons pour cette première bataille... Rien ne manque : pas même la Bérézina de la droite, ni la désintégration du modem, ni même l’infinie tristesse des plateaux de télévision en grève.
Allons, mon chien, allons nous promener après un si long hiver, le printemps s'annonce radieux.

mardi 2 mars 2010

Xynthia:La mémoire du risque.




http://www.dailymotion.com/video/xcgh8g_tempête-xinthia-sur-le-port-de-noir_news

Il ne s'agit pas ici du pathétique « devoir de mémoire »,de ces coups de mentonnière opportunistes, mais de la mémoire vraie. Celle des hommes et de leurs paysages, celle des anciens, des sages : bref celle de la mémoire collective... Il s'agit surtout d'échapper à cette tyrannie de l'instant qui nous pousse dans une fuite permanente vers des avenirs, improbables, amnésiques.
La tragique tempête de ces derniers jours rappelle l'impératif de raviver la mémoire du risque dans la mémoire collective. « L'exceptionnel », mantra des médias, semble évoquer une absence de précédent ainsi que son impossible répétition, or il n'en est rien.
Faisons œuvre de mémoire. Le long des 276 km de côtes du département de la Vendée, de vastes espaces regagnés sur la mer sont protégés par 103 km de digues à la mer. Plusieurs inondations sont intervenues dans tous les secteurs du littoral. Les plus récentes et tristement célèbres restent la rupture du polder Sébastopol sur l'île de Noirmoutier avec plus de 3000 ha submergés et l'ouragan de 1940 avec la destruction des digues de Bouin. On évoquait déjà « l'exception ». Pourtant, là aussi, combinaisons d'un coefficient moyen, d'un vent violent et d'une forte dépression engendrant une sur cote importante. Depuis l’an mil l'île de Noirmoutier a été périodiquement assaillie par des tempêtes ou des ouragans dont la mémoire a été entretenue par les populations locales et notamment par l'association « 12/12 ».
Quelques évènements extraits du "répertoire des catastrophes" survenues dans l'île de Noimoutier:

1075 Un fort « vimer » envahit les champs au Both et au Fier.
1351 Reprise par la mer de très grands territoires dans toute la plaine de Barbâtre.
1509 Ouragan : la mer rompt la digue de Pulant et envahit la plaine de la Guérinière.
1638 Raz-de-marée : une partie de l’île est inondée.
1762 Nouveau désastre : l’île est menacée d’une inondation générale.
1763 Le 3 février, brèche aux dunes du Devin. Les digues de la Frandière sont rompues en trois endroits ; la mer noie toutes les terres de la Fosse, de la Frandière et des Onchères ; le moulin des Onchères et un certain nombre de maisons, dont une dizaine du bourg, sont engloutis et dévastés. (Pagesd’Histoire noirmoutrine – Fernand Guillet, 1948).
1838 Destruction des digues privées sur la côte de Pulant, inondations catastrophiques à la Guérinière. Il faut des barques pour passer d’une maison à l’autre.
1882 Les travaux d’endiguement au niveau du village de la Guérinière sont insuffisants contre les tempêtes du Sud-Ouest. Déjà la mer y est arrivée avec un courant de foudre et presque toujours en pleine nuit, envahissant l'église, la cure et les maisons voisines.

1926 Le 20 novembre, « lors d’une effroyable tempête, la mer
coupe les dunes de Bressuire (l'Epine) et rentre à flots jusqu’aux abords du
village ».
1937 Rupture de la digue à la Tresson : la mer atteint la
route (N 148), 130 ha inondés. Dans la nuit du 13 au 14 mars, les habitants de
l’île de Noirmoutier et des communes du marais de Monts et de Bouin furent
alertés par le tocsin.
1996 Vents violents et mer très forte. Durant les mois
de janvier et de février, (en particulier le 7 février), toutes les côtes de
l’île subissent des dégâts
1999 Le 24 octobre, la conjonction d’une forte
dépression, d’un coefficient de marée élevé (coefficient de 102, hauteur d’eau
de 6,15 m à Saint-Nazaire soit environ 5,75 dans le port de Noirmoutier) et de
vents violents de secteur Ouest-Sud-Ouest provoque une surcote exceptionnelle
d’environ 0,9 m. Les digues sont touchées et des débordements ont lieu au niveau
des berges d’étiers et sur les quais du port de Noirmoutier.
1999 Les 26 et
27 décembre, même scénario : le coefficient supérieur à 100 qui accompagne la
tempête amplifie l’action érosive de la mer.

On le voit : l'histoire fait de l'exceptionnel la règle. Depuis, on a oublié, on a renforcé les ouvrages et on a construit plus d'un millier de maisons dans les prés salés inondables du sud de l'île. Les anciens n'auraient jamais construit là, sous le niveau de la mer. Les plus vieux villages sont tous sur le cordon dunaire, Jamais plus bas que le niveau zéro des cartes marines.
Les communes les plus touchées par la tempête Xynthia, dans la région de l'aiguillon sur mer illustrent cet oubli de la mémoire du risque : Dès 2005, la DDE de Vendée a répertorié les digues pouvant être objet de la protection civile et établit les définitions de la dangerosité du site. La digue Est de la Faute sur mer a été la première du département à être classée comme ayant un intérêt de sécurité publique et faisant l'objet de prescription de diagnostic, de surveillance et d'entretien par arrêté préfectoral du 7 juillet 2005.( http://www.paralia.fr/jngcgc/10_27_raison.pdf).

À Noirmoutier, les anciens n'ont pas oublié et pensent déjà à la future « marée du siècle » de 2013 : « pourvu que cela marche et qu'il n'y ait pas conjugaison de marée d'équinoxe et de tempête… ». « J'y pense et puis j'oublie... » Chantait Jacques Dutronc.



 
> rédacteur Agoravox