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vendredi 11 décembre 2009
Identité nationale: Le désarroi de l'élève Sarkozy
Le débat piégé sur l'identité nationale est inutile. De nombreux intellectuels dénoncent « le rapt de l'idée de nation et des idéaux universalistes » il serait plus pertinent d'évoquer « l'identité de la république » et mettre au centre la citoyenneté. Ce débat est initié par une institution totale : l'État. Comme toutes les institutions, celui-ci est menacé de débordements constants nécessitant des réformes constantes et anxieuses car comme le disait Spinoza : « une cité est plus menacée par ses citoyens que par ses ennemis. » Il ajoutait : « le monarque doit se garder et non plus veiller sur ses sujets mais leur tendre des pièges… » Ce n'est donc pas sur l'identité nationale mais plutôt sur la politique qu’il faut s'interroger. L'initiation de ce débat est plutôt un symptôme du désarroi des États-nations de voir leur peuple leur filer entre les doigts comme du sable, symptôme d'une angoisse de dépossession d'une légitimité populaire sous les coups de leur propre politique.
Du point de vue de la république des lumières, il est une identité qui les contient toutes et les transcende toutes : la citoyenneté. Identités privées, sociales, politiques, régionales, religieuses, sexuelles, communautaires s’effacent garantissant par là même la possibilité de les vivre dans la sphère privée. Elle se manifeste par le pouvoir du citoyen détenant une part de souveraineté de contrôler ceux à qui ils la remettent, principalement par le vote, sorte de sacrement profane qui fait vivre à tous les citoyens un état fusionnel de cohésion nationale.
Mais voilà, sous les coups de l'ultralibéralisme, l’État a été le fossoyeur de la citoyenneté faute de ne pas pouvoir assigner le marché à sa place. Il est maintenant effrayé par ses propres dérives. Il a peur ! Il a peur du peuple malgré ses tentatives désespérées de le réduire au silence par la haine de la culture et des intellectuels, les tentatives d’effacement des classes sociales et les mises pas de toute critique radicale.
Qu'on en juge ! La sphère privée l'est de moins en moins et est totalement pénétrée par le pouvoir économique et politique sous les coups d'un mouvement général de privatisation et d'individualisation des rapports sociaux. Elle est pourtant le lieu de toutes les pratiques particulières dont les expressions sont devenues illégitimes dans la sphère publique d'où vient une politisation identitaire de l'espace privé et son corollaire : une dépolitisation publique.
Il faut ajouter à cela la précarisation, l'exclusion sociale, le démantèlement des services publics, la privatisation rampante d'une sécurité sociale égale pour tous fragmentant la société en de multiples éclats, dispersant le peuple en rendant inaudible toute manifestation collective, toute tentative d'actes citoyens d'exercice de la souveraineté populaire. On assiste à une véritable fragmentation dangereuse de l'imaginaire citoyen : laïcité bousculée, on se souviendra de la gestion calamiteuse de l'affaire du « voile islamique » la loi de 1905 suffisait, mais non cela n’a pas servi de leçon, ils s'attaquent maintenant à la « burka », qu'on songe encore à la « parité », « la discrimination positive », l'affaire du référendum d'initiative populaire… Tout cela accentue le brouillage de l'idéal citoyen. Brouillages encore aggravés par la confusion des genres, l'abandon par les hommes d'État eux-mêmes d'un discours républicain : discours s'adressant à des « communautés », des corporations voire des individus alors que le registre républicain n'admet pas d'identités intermédiaires susceptibles d'exprimer et de revendiquer en leurs noms des droits spécifiques. La gauche ne fut pas en reste dans cette démolition de l'esprit citoyen : en1989 François Mitterrand usait d'un vocabulaire communautariste surprenant en s'adressant au Conseil Représentatif des Institutions juives de France « je veux exprimer à la communauté juive de France ma sympathie personnelle et lui dire combien j'apprécie son apport à la communauté nationale »... On a la un exemple parmi beaucoup d'autres de prises de parole qui attestent un phénomène d’abscription identitaire au fondement communautaire et particularisant.
Depuis la « révolution conservatrice des années 80, la dérive n’a fait qu’empirer :Un État ébahi par ses courtisans prenant sans le vouloir parfois des mesures obscurément communautaires comme l'enseignement des langues régionales, l'officialisation d'identités collectives telle que les associations « représentatives », institutionnalisant des lobbies, experts privés ou bien encore banalisant les usages stigmatisant du terme « d'immigrés », de « sans-papiers » …Alors il ne sait plus, il angoisse, ignorons les peuples, gouvernons la planète !? Comme un enfant étourdi il veut qu’on le rassure ! M’sieu, comme disent les élèves, si on faisait un débat ?
Un aveu d’impotence pathétique à dire la capacité de l'identité civique française à accueillir l’altérité, le mort saisit le vif. Le pouvoir est rentré dans un jeu de dominos insensé de communautés divisibles à l'infini étouffant ainsi l'un des acquis majeurs de la citoyenneté républicaine : Son souci de protéger l'individu contre les risques de sa propre appartenance communautaire. Le citoyen a des devoirs : retrouver la guerre de l’ombre, faire que le silence du peuple soit abyssal pour une fois qu’on lui demande de débattre…
mardi 13 octobre 2009
Le clandestin: L'étranger absolu.
Cet obscur ressentiment gagne en force dans nos sociétés aux structures et contours flous, ouvertes et liquides ou s'effacent les classements sociaux, les nations, les frontières d'un monde ordonné désormais obsolète. L'instabilité permanente des positions sociales oblige les sociétés occidentales à des redéfinitions constantes du statut de chacun qui fragilise les anciennes sécurités routinières, favorise une atmosphère de peur diffuse de devenir « étranger » à son propre environnement, un exilé de l’intérieur du jour au lendemain.
Dans ce contexte, les étrangers, les réfugiés, pire encore, les clandestins font office d'effigie du spectre de l'effondrement d'un monde dont désormais les limites se distendent à l'infini sous l'effet de la mondialisation marchande et d'une division planétaire du travail. Ils sont le double obscur, inversé, répulsif de nos vies ordonnées et donc la cible privilégiée de rituels d'effacement de leur présence : on ne doit pas les voir, ils doivent demeurer invisibles pour conjurer nos peurs de leur ressembler.
Surtout on ne veut pas voir qu'ils apportent avec eux des rumeurs de guérilla, de famines, de massacres où ils s’entre-tuent, si jeunes, dans des guerres qui ne sont pas des jeux, des échos de leur incapacité à travailler, d'être dépourvu de tout avenir dans leur pays d'origine. On ne veut pas voir qu'ils sont des centaines de milliers à se faire chasser de chez eux faute d’y avoir une place. Ce qu’on ne veut pas voir ce sont les résultats d'une « globalisation négative » qui nous effraie et risque de toucher une vie qu’on n’imagine pas si éloignée de la leur.
Parmi ces inconnus, ces bannis, la place d'honneur revient la figure du « clandestin » forcément sans visage, race, origine ; symbole à lui seul de tous les exilés des régions laissées pour compte de la planète. En venant frapper à nos portes il nous rappelle combien est vulnérable notre civilisation.
Ces clandestins sont des apatrides d'un nouveau genre. Ils le sont doublement, d'abord en raison de la non-existence de l'État auquel pourrait renvoyer leur citoyenneté et ensuite du fait que nous ne voulons ne leur en accorder aucune. Pourvu qu’ils ne fassent que passer…N'ayant ni départ, ni arrivée, Ils forment une espèce nouvelle de parias en situation de flottement permanent, dans un état de mouvance sans fin : ils représentent toutes les prémonitions qui hantent les insomnies l'homme occidental.
Les clandestins sont les étrangers absolus, ceux qu'on ne peut, ni ne veut voir dans nul endroit où alors dans des « non-lieux » des lieux eux mêmes déplacés tels que les marges portuaires, espaces incertains, fantomatiques en déshérence urbaine. Une fois à l'extérieur, ils y restent indéfiniment...C’est bien cela notre cauchemar ! D’être définitivement déterritorialisés, exclus de notre humanité.
dimanche 11 octobre 2009
Aux larmes citoyens!...
On en appellerait aux mannes de Saint Just pour moins que cela!
Sous les vagues échos de l’expansion continue d’un hédonisme de bazar, soit disant anti totalitaire porté par des philosophes aussi nouveaux qu’indigents, sous les coups de la révolution conservatrice ultra libérale sans cesse renforcée par une pensée libertaire dévoyée, tout concours à vider le citoyen de son pouvoir, de sa souveraineté. La république n’est plus ni « une » ni « indivisible » : Elle est chose privée.
L’Etat et ses appareils ont implosé, se sont fragmentés... Les dégâts collatéraux sont immenses et irréversibles. C'est bien à la privatisation de l'État qu'on assiste. Triomphe du lobbying clientéliste de toute nature, corporations, associations, stars du showbiz, très riches, artistes près de leurs sous, sondages privés comme Ersatz d'expression citoyenne, Presse de révérence, ce nouveau clergé en charge du prêche : sans cesse le « déplacement » comme dispositif, la mise au pas de toute critique radicale.
Floraison de multiples baronnies, d'une mosaïque inextricable de petit fiefs, d’hommages, d'allégeances et de félonies qui se déchirent l'héritage des restes de l'État en des guerres privées… Guerres des fils pour emporter le pouvoir du père.
Dans ce monde liquide une seule chose certaine : le peuple est absent, inaudible et désemparé, contraint jusqu'à l'absurde, pour se faire entendre, d'utiliser les mêmes armes que le tyran...
L'effacement des conflits sociaux condamne les salariés au désespoir dans des entreprises de plus en plus cannibales où l'on se suicide, à transformer leurs luttes en spectacles médiatisables sans lendemains: incendie massif d'un dépôt du bus, Clip vidéo de rap prolétaire sur « you tube », ou « Face book », cyniquement décortiqué par des experts communicants épatés de l’inventivité des « gens d’en bas » dans l'émission « ce soir ont jamais » sur la trois !
La déréliction de syndicats pétrifiés par la méduse. Eux-mêmes en sont réduits, face au silence indifférent, à organiser des spectacles de rue, des « interventions »...n’osant plus la grève générale, s'excusant timidement d'avoir réuni si peu de monde ! Bientôt ils s'inscriront aux intermittents du spectacle… Les politiques ne sont pas en reste de mondanités spectaculaires : coups bas médiatiques en direct, tutoiement de maquignons, le vote privé à deux euros, la votation pour les services publics, où ils découvrent effarés, hébétés, que le référendum d'initiative populaire n'en est pas un, et que bien qu'il soit gravé dans le marbre la constitution, on a « oublié » d’en voter les lois de mise en œuvre...
Nous sommes dans un « totalitarisme tranquille » à la « démocratie confisquée » comme le dit André Bellon dans son ouvrage. Le temps est venu pour que les citoyens se sauvent eux mêmes, se réapproprient leur république, par de nouveaux cahiers de doléances. Que le peuple parle de nouveau et se fasse entendre en redéfinissant les règles du jeu politique, en élisant une nouvelle assemblée constituante au suffrage universel direct pour refonder la république et réaffirmer sa souveraineté.
vendredi 25 septembre 2009
Du "déplacement"comme dispositif.
Cette systémie du « déplacement » est d’autant plus nécessaire en ces temps de « crise permanente » qu’il s’agit de sauver le capitalisme, ce brave soldat. Dans une époque de l’instant sans mémoire, on vient de se souvenir que les civilisations sont mortelles. Cela ne peut se faire qu’entre maitres du monde, entre soi. Surtout cela ne peut se faire, car on le sait, le marché ne supporte aucune intervention qui vienne troubler son équilibre automatique réalisé instantanément selon la dangereuse spiritualité perverse de la pensée libérale. Il s’agit donc bien d’une aporie, d’un « «double bind » ou se télescopent des structures mentales comme produit direct des rapports d’accumulation du capital. Il en résulte une, inhibition de l’action, une impotence des états à limiter la prospérité du vice comme le dit Daniel Cohen dans son dernier essai.
Pourtant qu’on y songe un instant : l’humanité doit à cette pensée économique héritée des lumières occidentales la croissance et l’élévation continue sur le long terme du revenu moyen pourvu que l’État distingue la vertu de la corruption, la chose privée de la chose publique et veuille bien assigner le marché à sa place. La finance toxique est viralement nuisible, ne participe aucunement à l’élévation de ce revenu, à la croissance, au progrès puisque ses plus values retournent au capital. C’est même son acmé. Accumuler sans production, sans valeur d’usage, sans valeur ajoutée, sans partage. L’échange pur, comme une pierre philosophale. C’est ce qu’on a appelé à tort sa virtualité…Il s’agit davantage d’une mutation génétique de l’ADN économique dont le G20 est le « porteur sain » il ne posera donc aucun diagnostic ni pronostic, préconisera du paracétamol et s’en lavera les mains.
Pourtant les remèdes sont connus ainsi que la genèse du mal. La crise n’est pas née de la dernière pluie. Elle est l’enfant incestueux de la révolution conservatrice des années 80, au milieu des « trente piteuses » : les années fric, ou « si tu n’avais pas une Rolex 50 ans, tu n’étais rien » les années de la dérégulation, ou tout ce qui est humain ou bien marchand utile est considéré comme un coût… Ou l’être-ensemble devient une scorie, un résidu négligeable, car non calculable.
Comme si de lui-même l’ultra libéralisme créait son propre mythe des origines, courbait l’histoire pour être sa propre religion. Malthus et son célèbre apologue du banquet en est le prophète sinistre et coincé. Tout se passerait sans peuple, sans pauvres, sans malades, sans consommateurs. Uniquement entre soi…Au début de l’univers était le calculable…
La dérégulation : voilà l’ennemi !
Les grandes « respirations de l’histoire » comme disait kondratieff, les tempêtes de « destructions-créatrices » de Schumpeter ont éclairé les causes de la grande dépression des années trente…la séparation radicale des banques de dépôt dont la fonction est de l’ordre de l’intérêt général de celles dites « d’affaires » d’intérêt privés ont été une mesures radicale de décontamination sanitaire. Cela a été la règle, la Loi, jusque dans les années 80…plus subtil reste la préconisation de l’économiste Daniel Cohen : obligeons les porteurs sains à s’inoculer leur propres virus, à gouter leur infect brouet, obligeons les à s’intoxiquer de leur propres produits avant de les refiler aux autres comme le mistigri…Bref à se contaminer eux-mêmes. Encore une histoire de pandémie mondiale… Encore un « déplacement ».Toujours la peur, mais pour une fois pas pour les peuples….
Léonard Cohen chantait : « j’ai vu le futur, frère, c’est un meurtre. »
mardi 12 mai 2009
Ne votez jamais!
Ce billet a été écrit dans le contexte des élections européennes. Son extrémisme est le fruit d'une exaspération de voir le suffrage universel détourné de ses fins. En aucun cas le vote ne peut être considéré comme un simple « modus operandi » de désignation de représentants imposés d'une manière opaque et sans réels pouvoirs . Ce billet est donc davantage une protestation pour ré- instituer un vote pleinement souverain dans une Europe pleinement démocratique. Un plaidoyer pour la prise en compte de l'abstention dans les modes de scrutin.
Dans les années soixante, au temps des années sacrilèges, souvenez-vous : le fonds de l'air était rouge... L'ancien monde est emporté par une nouveauté massive. Partout la fête de l'extravagance, celle de l'espoir de l'involution de l'asservissement. Bob Dylan chantait « les temps sont en train de changer » et Sartre annonçait « l'homme nouveau ».
vingt ans plus tard tout cela est devenu inaudible. Pire : 68 est désigné comme le mal absolu qu'il faut tuer, éradiquer.
Ils ont eu peur. Il a suffi d'un vote, d'un seul ! Et le joli mois de mai s'en est allé...
Le suffrage universel a été à lui seul le mode d'écrasement du mouvement. Pas le résultat du vote. Le vote n'est pas par nature répressif et capable de faire l'histoire mais constitue principalement un dispositif du capitalo-parlementarisme. Le vote est apolitique. Il assure le retour et la pérennisation de l'ordre établi. En ce sens il appartient à l'État comme appareil et à lui seul. Comment respecter le suffrage universel en lui-même, le designer comme valeur absolue de la pensée éclairée, indépendamment des effets qu'il produit ?
La démocratie, ce cache-sexe de la planètarisation de la marchandise et du spectacle cache bien mal ses parties honteuses : notre condamnation à vivre le monde où nous vivons, la mise au pas du rêve.
Aujourd'hui la peur est de l'autre côté. Du moins à chaque fois qu'un vote semble inévitable. Ce n'est pas de savoir qui va l'emporter, quel parti, qui terrorise nos princes : ce qui les ronge c'est de savoir si le miracle va se reproduire, et si ils vont pouvoir se reproduire : c'est le chiffre qui les inquiète: la participation. Le nombre sacré qui exige qu'on le célèbre, tant sa puissance est redoutée. Mais par là même, c'est lui qui va aussi rendre visible que la démocratie est indifférente à tout contenu, qu'elle n'est rien d'autre que sa propre forme, un ectoplasme.
Un fantôme féroce, un incube, qu'on impose de force à tous les peuples indistinctement, massivement, mécaniquement, semant désarroi, misère et mort.
Par ce truchement, cette fiction, les masses ne seront plus jamais écoutées . Leur manifestations, leur grèves, leurs plaintes et blessures demeureront invisibles...
Alors, avec deux sous, faisons peur au pouvoir, rendons le invisible! Privons le de ses artifices, des machineries et autres trucages par lesquels il fabrique sa substance. Privons le de tout reflet en devenant des électeurs silencieux, des trous noirs qui l'absorbe jusqu'à la fin des temps... Ne votons plus jamais ! Vite !
mercredi 29 avril 2009
De la politesse comme "dipositif"...
Dans les années 68/78, ces dix années sacrilèges, j'étais très souvent dans les Cévennes. Cela t'aurait plu mon cher chien ! Il n'y avait rien. Des garrigues ou explosait un soleil à fendre les pare-brise de nos deux chevaux... Tu aurais pu à loisir être libre. Le désert français. Ces terres étaient bénies pour tous ceux qui voulaient inventer, expérimenter. Nous y vivions comme des sauvages, tout en souhaitant apprendre à savoir revivre. Nous passions notre temps en baignades sensuelles sous les cascades du gardon, a visiter de vieux républicains espagnols, à palabrer de communauté en communauté, le soir, dans les hamacs propices... Certains arrivaient, d'autres reprenaient la route... Je retapais avec les autres un mazet en ruines qui n'était même pas à moi. Les travaux n'avançaient guère, chaque décision était débattue.
À certains moments, nous montions vers le Larzac, pour nous compter, nous retrouver, moissonner le terrain militaire, faire la fête, de la politique et regarder les étoiles...
Et puis il y avait la marche. Un vieux randonneur nous avait sermonnés en nous expliquant qu'il fallait être poli quand on marchait. Que c'était la tradition de dire « bonjour » sur les sentiers. Cela n'avait rien de normatif. On se reconnaissait comme des chiens se flairent.
Mon chien, t’en souviens-tu? C’était hier lors d'une promenade dans un reste de verdure protégée, sur des sentiers pelés, nous avons rencontré un couple de promeneurs impeccables en chaussures de sport, tous deux pareils : ils ont dit « bonjour »... Je ne sais pas pourquoi cela m'a fait tout de suite penser au fameux « bonjour » des vendeurs de Darty...
Cette politesse, tout droit sorti des séminaires de formation, qui malgré vos précautions oratoires, vous refroidit comme un goulag.
Plus généralement, dans les années 70 et avant, cette valeur était considérée comme essentiellement « conventionnelle » ou « sociale » et par là même opposée à une morale « authentique », ce qui la conduira 20 ans plus tard à occuper le cœur du Panthéon des hautes vertus civiques. Le principal intérêt de la politesse aujourd'hui c'est de faire la médiation entre les valeurs traditionnelles, (le respect, la courtoisie) et les valeurs de l'ultralibéralisme (l'écoute de l'autre, « le vivre ensemble » etc. On attend également d'elle la possibilité de la conciliation entre le rejet de la rigidité ou du radicalisme et du relativisme. Elle devient un dispositif neutre et neutralisant. Elle est donc, aujourd'hui, totalement orientée vers le moment de la clôture de tout débat, de tout contact contagieux. Elle met fin à toute intrusion possible d’un ailleurs toujours vécu comme une violence, elle rend, au nom de la morale courtoise, impossible le pamphlet, le manifeste, la satire, l’ironie. Condamne les extrémismes, les coups de gueule... Voilà ce que j'appelle un dispositif, qui par un étrange paradoxe, l'adhésion aux valeurs démocratiques, a ainsi réalisé la forclusion de tout débat à laquelle n était parvenu ni la société bourgeoise, ni l'absolutisme. La politesse est un « dispositif », avatar de ces années 68, qui fonctionne pour qu’il ne se passe plus rien de l’ordre de la vie, qui organise le vide comme valeur en soi, comme police, comme mise à distance sanitaire de tout écart aux conventions de l'ultralibéralisme. Seul, notre guide suprême use de l’impolitesse, de la muflerie, et cela met en émoi tous les plumitifs scandalisés…On a bien tort, comme l’Etat c’est lui, il possède le « monopole de l’insulte légitime »…cela fait partie de sa pathologie, érigeant une exception qui traduit le nouvel ordre qui règne.
Pourtant, mon cher chien, qu'on y songe : que de butors, de voyous, de brutes, de grossiers personnages sont célébrés par les institutions culturelles... Que dire de Voltaire, des surréalistes, de Pascal, de Marx, Freud et bien d'autres... Mais ils sont morts, et c'est bien connu les institutions aiment les morts. Leur domaine est la commémoration.
vendredi 24 avril 2009
lundi 13 avril 2009
vendredi 10 avril 2009
La fin du Politique?
« Tuer 68 » c'est tuer la politique. Autrement dit assurer le triomphe de l'idéologie dominante et des moyens de sa pérennisation. Celle-ci le sait. Ce sera son premier souci dès la fin des années 68. Et elle le fera d'une manière ironique : elle proclamera dès la fin des années 70 « la fin des idéologies » ils seront tous mobilisés et ils y parviendront... Le pluriel est indécent : par fin des idéologies, il faut entendre essentiellement la fin d'une seule idéologie : le marxisme.
Pour cela, il faut organiser la disparition des classes sociales. Tout doit disparaître ! De fait, qui aujourd'hui qui emploie encore ce terme désuet? qui est capable d'identifier, de définir ce qu'on appelait « classes sociales »? La droite classique, comme la gauche démocrate sociale y sont parvenus. On ne cesse de mettre en scène une" grande classe moyenne" bornée à ses extrémités par des "très riches" et des "exclus"...
Ouf ! Plus d'antagonismes ! Mais un discours sur l'inégalité, l'équité etc. nous connaissons tous ce vocabulaire... Exit le prolétariat, vive l'exclusion !
Bravo l'artiste... car sous-jacent à cette manipulation spectaculaire se dessine logiquement un pas de plus dans la disparition du politique.
La nouvelle thématique qui apparaît quinze ans plus tard avec l'effondrement de l'URSS, sera celle de la très fameuse « fin de l'histoire »... Cette thématique née aux USA et célébrant la victoire du libéralisme fera grand bruit. Nouvelles incantations toutes dédiées vers le triomphe sans limites du capitalisme planétaire. Plus d'opposition de quelque nature que ce soit donc coup décisif qui met un terme à la politique. Disparition du réel...La survie des dominants est à ce prix.
La politique doit être ici entendue, comme le souligne Luc Boltansky, comme la capacité à tirer parti des contradictions immanentes à un ordre social et prendre appui sur ceux que cet ordre exploite ou opprime. Par ce coup de force du spectacle ne demeurent plus que « des injustices », mieux « des inégalités » résorbées par des actions assurant « l'égalité des chances »...
On le voit, plus de contradictions ! Plus de luttes : alors s'ouvre un champ sans limites pour les dominants jusqu'à en perdre la raison : soyons avides sans entraves !
La dépolitisation qui résonne comme une incantation nostalgique de la gauche réformiste peut être envisagée autrement, si on ne la considère pas comme une tendance de fond qui émanerait mystérieusement de la société, avec son fameux « individualisme contemporain »,mais comme le résultat d'une stratégie constante, déterminée, au long cours, transcendant tous les courants politiques, orientée tout entière vers la fin du politique entendue comme une mise au pas par tous les moyens de toute critique qui tendrait à s'opposer à l'idéologie dominante.
mardi 24 mars 2009
E.TODD ou la tentation de la prophétie.
La tentation du notable
Les occultes"think tanks" ne sont pas très loin. À l'aube de son crépuscule, Todd est déjà dans celui qui a été. Il ne cesse de rappeler ses titres universitaires, ses relations de pouvoir, sa fréquentation des grands, il multiplie les hommages à ses maîtres aussi bien universitaires que politiques. Conseiller de Chirac mais aussi du PS, bref de ceux qui voulaient bien tendre une oreille distraite. Mais voilà ! Il n'a pas été écouté. Amertume de celui qui aurait tant aimé être une éminence grise. Quel dommage ! Cela gâche le propos. Pourquoi ne pas rester hic et nunc seulement un homme libre qui a le courage de la vérité comme dirait Michel Foucault...
Et après...
Nous voilà au coeur du réacteur. Le président a beaucoup de mal à légiférer afin de limiter les parachutes dorés... C'est une impossibilité quasi psychique, un point aveugle inconscient. Une limite absolue Il ne peut pas. Ce serait se mutiler... Se castrer. Il aime l'argent. Nous sommes au siècle de l'avidité, Sarkozy en est l'icône. C'est en fait la réintroduction de l'économie comme mentalité et comme seule finalité. Participer au grand oeuvre : porter le libre-échange jusqu'au ciel, accompagner le grand frère américain dans sa mission impérialiste mystique malgré l'incapacité des élites à affronter les problèmes qu'il pose. Un vrai gamin perdu dans une histoire trop grande pour lui, d'ailleurs il n'a aucune connaissance historique. À l'image de nos contemporains, il ignore tout des enjeux de la guerre froide,de ce qu'a pu représenter la chute du mur de Berlin comme ouverture pour un libéralisme sans limites...Comme trou de souris par lequel s'est engouffrée la mondialisation, la financiarisation...La route s'arrête là pour une grande partie du monde le moins riche. Là aussi exclusion agressive...
En effet, l'argent semble à tous le résultat et la mesure de la valeur de chacun. Bonne chance !
On est à la foire. C'est le palais des glaces et ses labyrinthes de miroirs.. Nous tournons en rond, trompés éternellement par ces multiples reflets. Narcisse se noie, alors,dans une ultime pulsion, il crée lui- même une image qu'il pense unique. Mais le danger de se perdre est bien là. Nous errons dans ces lumières diffractées, angoissés, tout en faisant les matamores, de ne pas trouver la sortie... "C'est comment qu'on freine?" chantait Bashung.
Une société de groupes(?), de classes(?) qui vivent parallèlement les uns aux autres, des strates étanches, aveugles, qui ignorent tout de ce que peut être un sens commun. Des élites cultivées pauvres, exclues du pouvoir comme de la richesse. Probablement la nouvelle classe montante d'opposition. De nouveaux analphabètes se réfugiant dans des solutions de plus en plus radicales de droite ou de gauche, qui, on le sait, n'ont jamais trouvé l'ombre du début d'une solution, enfermés dans la protestation. Des élites dont la seule richesse et d'être riche en soi et pour soi uniquement. Comment ne pas être tenté par la prophétie : la démocratie risque de disparaître au profit d'une oligarchie au service et 1 % les plus riches. La masse des plus faibles revenus, sans cesse paupérisée, considérée comme un coût, vit sa condition comme un martyr qui la grandit à ses propres yeux:c'est son"cheval d'orgueil", une fatalité qui signe son humanité. Une vision religieuse, stérilisante, de la classe porteuse de toutes les révolutions. Nous sommes revenus dans "un avant" de la conscience politique. L'histoire est courbe, n'est-ce pas?.
jeudi 19 mars 2009
Il fait beau.
Un temps à craindre le pire
mardi 10 mars 2009
Les malheurs de Narcisse.
Essai sur l'érosion
de la personnalité
de Christopher Lasch
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christophe Rosson. Ed. Climats, 270 p., 22 €.
Lasch n’est évidemment pas le seul, dans les années 1970, à noter la diffusion d’une forme nouvelle d’« individualisme », qui s’affirme contre les discours antérieurs de l’engagement et des luttes concrètes.
Le fait de parler à ce propos de« narcissisme» n’est pas non plus en lui-même original. Mais se distingue de la plupart de ses contemporains par son refus d’attribuer cette évolution à une simple tendance au « repli sur la sphère privée » comme le prétend la désormais orthodoxie d’un Tocqueville, et par une conscience aiguë de l’irréductibilité du « narcissisme » à l’individualisme et, a fortiori, à l’égoïsme.» : Lasch insiste sur le fait que le narcissisme est un « système », distinct de l’ « égoïsme ordinaire» et« tout à fait indépendant du désir instinctif de satisfaction corporelle» : La leçon de l’histoire n’est pas que Narcisse tombe amoureux lui-même mais que, incapable de reconnaitre son propre reflet, il ne possède pas le concept de la différence entre lui-même et son environnement. »
Loin de toute dénonciation moralisante du« repli sur soi », Lasch est avant tout sensible à la détresse de l’individu contemporain et à la «désintégration du moi» qui se cache sous les discours rassurants vantant l’émancipation du désir ou l’épanouissement de la personnalité
Cette forme de narcissisme est particulièrement adaptée à la société contemporaine, qui favorise la séduction plus que l’autorité et qui vit largement de la remise en cause des rôles traditionnels…
Notre époque n’est pas celle de l’épanouissement des corps, mais plutôt du « déclin de l’esprit sportif» ; l’abandon de toute compétition avec les autres, de toute implication dans son environnement sociétal au profit de l’unique affirmation de soi comme droit à la différence (qu’on considère les victoires apparentes du féminisme d’où tout discours de plaisir est absent). Ce que cache mal la massification de l’éducation et de la culture supposée commune unificatrice et fondatrice de nos valeurs collectives. Il s’ensuit un jeu de haine/amour de la culture. Celle-ci étant à la foi constitutive de Narcisse et son principal ennemi accompagnant le déclin, par refus, des formes d’autorité traditionnelles comme obstacle au moi libéré, créatif, icône du moderne.
L’avidité de culture, la prolifération cancéreuse de celle-ci sous toutes ses formes, est le dernier lien qui retient Narcisse dans un principe de réalité vivable. Elle est à la fois commune et individuelle ; permet surtout, sans appel, de dire et redire sans cesse son unicité personnelle incontestable et solitaire, car des gouts on ne discute pas. Pas de tension, pas de division, pas d’exposition de soi, pas de risques...Tous peuvent y faire illusion.
On est loin de toute dénonciation moralisante du« repli sur soi », Lasch est avant tout sensible à la détresse de l’individu, mais il considère que, dans le contexte du narcissisme contemporain, les mouvements critiques de la société industrielle qui prennent en charge les causes de ses malheurs concourent en fait à augmenter l’obsession de la« survie» qui est comme le double lugubre de l’euphorie narcissique.
Lasch donne ainsi une analyse assez saisissante du retentissement paradoxal qu’a eu l’expérience des camps de la mort, dont le souvenir alimente la« mentalité de survie » : Là où les véritables survivants « voient leur expérience non pas pour survivre mais comme une lutte pour rester humains». Plus généralement, il esquisse une passionnante « politique de la psyché », qui montre le double épuisement des thèmes conservateurs et des différentes idéologies de la gauche, de l’utilitarisme au néo freudisme.
Là où il faudrait sauver ce qu’il y a de meilleur dans l’individualisme moderne -« la définition de l’humanité est tension, division, conflit » -, la droite n’est même plus capable d’assumer une politique du « surmoi », que mine sa confiance naïve dans les vertus du marché et la gauche s’enferme dans les acquis d’une réputation largement illusoire.
dimanche 8 mars 2009
Alain Bashung #2:"Bleu pétrole".
mercredi 4 mars 2009
VEAU D'OR
jeudi 12 février 2009
L'engagement
Quel que soit l'angle sous lequel on le prend, le présent est sans avenir. Et cela n'est pas sans vertu. Cela oblige à penser qu'il n'y a pas de solution, qui n'y a pas plus d'espoir de transformation ou encore d'utopie. Ceux qui prétendent détenir des solutions seront démentis dans l'heure. Il ne s'agit pas de vouloir un autre monde, mais bien prendre celui-là dans l'ici et le maintenant. De gauche à droite c'est le néant. Le fait même que le futur n'ait plus l'avenir engage les sociétés occidentales vers un seul objectif : la normalité morale. Celle-ci naît de l'immense vide politique et de l'absence de tout rêve alternatif. Dans cette nuit dans laquelle nous sommes condamnés à tourner, les seules lueurs qui nous guident sont celles de la peur instillée savamment par les nouveaux prêtres de la communication. Elles sont le fruit de la clôture de la représentation politique qui rabaisse le niveau de conscience des peuples à celui des premiers punks...
On comprend la radicalité nécessaire d'un Badiou. Il n'y a pas à s'engager dans tel ou tel collectif citoyen, dans tel ou tel impasse de gauche ou syndicale, dans la dernière imposture associative, à voter. Toutes les organisations civiles, qui prétendent changer ou contester l'ordre présent sont elles-mêmes, en plus fantoches, la forme, le langage, les méthodes totalitaires et morales, les mœurs d'États miniatures contribuant à l'entreprise de sape de toute individualité par essence dangereuse. Ce n'est pas une extension du domaine de la lutte, mais une extension indéfinie de pseudopodes dérisoires à volonté étatique « de faire de la politique autrement » qui renforcent encore la violence symbolique de l'hyper normalité et satisfait la soif de pouvoir de petits potentats locaux qui s'enivrent de l'impression orgueilleuse de faire la révolution. Ils singent jusqu'à la caricature leurs maîtres ignorant que depuis longtemps qu’ ils sont morts. L'organisation du pouvoir en réseau donne l'impression à « ces forces vives de la nation »de fréquenter les grands pour les bonnes causes du peuple, et remercient avec obséquiosité ceux –ci des miettes du pouvoir qu’on leur jette . Les réseaux de pouvoir étatique, sont également des réseaux physiques réels, centralisés donc fragiles. Ce sont des rails, des autoroutes mais aussi des réseaux électriques, de fibre optique, d'ondes hertziennes ou encore de réseaux d’information, Internet ou de télévision….Il faut donc frapper au cœur : rendre la neige aux écrans.
mardi 10 février 2009
EDITORIAL
En grec ancien, selon certains auteurs, dont Michel Foucault grand lecteur de grec, ce mot signifie « dire le vrai » , ce qui est très différent de dire la vérité ou une vérité. Dire le vrai fait partie de soi. C'est une recherche qui expose celui qui s'y livre à une certaine agressivité. Cela n'est pas sans parenté avec « avoir une grande gueule » ou encore « le franc-parler ». On est loin de la vertu, ou encore du religieux :ou des autres formes qui obligent l'individu à produire un discours conforme à n'importe quelle doxa :c'est un exercice définitivement laïc. La parresia est plutôt une notion qui vise pour celui qui l'exerce à une critique méthodique des savoirs qui se prétendent discours de vérité pour masquer qu'il sont discours de pouvoir. Dire le vrai devient une mise en acte, une discipline de vie, un souci de soi. ce dire fait courir un danger, car c'est aussi un discours politique. Il est relativement intolérable pour une société qu'un individu puisse ériger en vertu le fait de se dire soi. Quelles que soient les formes de ses discours...